Seulement 3 % de la population mondiale effectue un séjour à l’international au moins une fois par an. Il s’agit clairement d’un privilège, auquel nous nous estimons extrêmement chanceux de pouvoir prétendre. Il est en effet très facile pour nous autres occidentaux d’aller découvrir un autre pays. Mais avec une biodiversité en chute libre, des records de températures battus chaque année et les glaciers qui reculent sans cesse, on se pose souvent la question. Le voyage est-il un danger ? Notre mode de vie est-il égoïste ?
Compte tenu de la situation du monde actuel, nous ne devons pas être les seuls à y penser. À l’heure où beaucoup font la course au plus grand nombre de pays visités en un temps record pour quelques likes de plus, le monde s’effondre. Entre le réchauffement climatique, la pollution de tous les écosystèmes et l’ambiance géopolitique, il y a de quoi se faire du souci pour nous autres les routards. Surtout quand on sait que les rejets de gaz à effet de serre provenant du tourisme sont en perpétuelle augmentation. Estimé autour des 8 %, l’impact du voyage est donc non négligeable. De ce fait, le paramètre conscience personnelle entre en jeu. Nous avons écrit cet article en 2019, alors que nous étions encore en PVT en Nouvelle-Zélande. Il s’agit d’un visa d’un an (renouvelable selon les pays et sous certaines conditions). Aujourd’hui, nous avons décidé de ne plus prendre l’avion et de voyager uniquement par les terres, lentement.
le voyage est-il raisonnable pour la planète et le climat ?
Certains vous diront que non. Ils vous diront aussi que si vous voulez sauver la planète, vous devez rester « chez vous » et ne plus rien faire. Dans les faits, ils ont certainement raison. Mais est-ce vraiment utile de mentionner que l’impact 0 n’existe pas ? Tous nos moindres faits et gestes ajoutent leur pierre à l’édifice du chaos climatique à venir. Et en tournant le problème dans tous les sens, seule l’option d’une vie en autarcie dans une forêt reculée apparaît amener l’impact au plus bas.
Je répondrais que cela dépend de son mode de vie et qu’il est tout à fait possible de voyager avec un bilan carbone inférieur à la moyenne. Mais parvenir à un bilan carbone annuel individuel de 2 tonnes de CO2 reste très compliqué quand on souhaite voyager.
Cela implique des habitudes de consommation durable et un voyage très lent. Encore faut-il le vouloir. Cela fera l’objet d’un article complémentaire, revenons à nos moutons.
Différences d’impacts
Au risque de tomber dans les stéréotypes faciles, il ne faut pas se voiler la face : il existe plusieurs types de voyageurs. Et au sein des 180 millions de touristes, tous n’ont pas le même impact, loin de là.
Le bilan carbone de la personne qui va faire trois mois de retraite spirituelle dans un temple en Inde n’a rien à voir avec celui du touriste qui va faire du jet-ski à Bali pendant 2 semaines. Les deux prennent l’avion pour une longue distance, certes. On pourrait se rassurer en considérant que l’aviation mondiale, ce sont « seulement » 2 % des émissions de CO2. Surtout que cela inclut le transport de marchandises, les vols militaires et bien entendu, les particuliers avec le tourisme. Ce qui signifie que les gestes écologiques au quotidien dans le voyage occupent au moins une aussi grande place dans l’empreinte carbone que le déplacement aérien.
Ce n’est évidemment pas une raison pour le prendre 5 fois par an. Pour rappel, un aller-retour Paris New-York émet en moyenne 1,5t de CO2eq par passager. Ce qui est plus de la moitié de l’objectif de 2t de CO2 eq/personne/an fixé par l’Ademe pour réduire le réchauffement climatique à 1,5°C en 2050. Pratiquant le « slow-travel », nous nous contentons de le prendre le moins possible. C’est d’ailleurs sur ces motivations que nous avions entrepris notre voyage sans avion.
Voyager en faisant fonctionner les commerces locaux et dépensant son argent de manière raisonnée joue un rôle sur l’empreinte carbone de son voyage. Cela permet à la fois de réduire les émissions de CO2 en ne sollicitant pas des multinationales peu regardantes sur leur impact environnemental, et cela apporte aussi de meilleures conditions de vie à ceux qui en ont vraiment besoin. À l’opposée, le tourisme de masse contribue chaque année un peu plus à la perte de biodiversité, la disparité des richesses et la progression du continent de plastique qui ravage les océans.
Depuis mars 2020 et le vol pris en urgence en dépit de nos convictions, nous ne sommes pas montés dans un avion. Et nous ne comptons pas le faire de si tôt. Nous avons opté pour une vie simple et minimaliste à plein temps dans notre camping-car.
Mesurer le bilan carbone de son voyage
Il existe de nombreux outils pour calculer son bilan carbone.
À l’époque de la rédaction de cet article (été 2019), nous nous sommes prêtés au jeu. Nous avons calculé le bilan carbone de notre voyage de deux ans en Australie et 10 mois en Nouvelle-Zélande. 22,8 tonnes, c’est ce que nous avons émis, vols compris pour presque 3 années. Ayant vécu dans notre véhicule 80 % du temps depuis notre départ nous a permis de limiter la casse. Le fait de ne pas avoir de chauffage, l’utilisation d’un panneau solaire pour l’électricité et une consommation d’eau très limitée rééquilibrent la balance. Mais il se dégage des choses très intéressantes. Notamment que l’alimentation de l’époque représentait à elle seule des émissions deux fois plus grandes que l’objectif mondial de 2t par personne et par an. Pourtant, on ne mangeait déjà pas beaucoup de viande. On n’achète pas non plus de fruits et légumes qui ont fait le tour du monde en cargo. Sans surprise, les nombreux kilomètres parcourus avec notre 4×4 durant la partie du voyage en Australie a pesé très lourd dans la balance.
Et vous, elle dit quoi votre emprunte carbone ?
Notre bilan carbone actuel
Depuis que nous sommes de retour en Europe (mars 2020), nous avons refait le calcul de notre bilan carbone. Nous étions autour de 8 tonnes de CO2 par an chacun en Australie. Pour information, la moyenne française est à 10t/an.
Aujourd’hui, nous sommes à 4,1 tonnes.
Nous allons pouvoir utiliser les résultats de ces modèles pour tenter de le réduire encore. Ce qui a changé depuis l’Australie, c’est que nous avons arrêté d’acheter de la viande et du lait de vache (bon, on n’arrive pas à se passer de bon fromage fermier de nos montagnes). Nous avons également considérablement réduit le nombre de kilomètres parcourus annuellement. Nous avons ralenti notre manière de vivre et cela a divisé par deux nos émissions annuelles. Nous n’avons pas pris l’avion depuis l’arrêt forcé de notre traversée de l’Asie par les terres (Covid-19).
Le voyage : un luxe pour égoïstes ?
Les chiffres mentionnés dans l’introduction parlent d’eux même. En tant que citoyens de pays riches, nous disposons d’un niveau de vie aux conditions exceptionnelles. Pour preuve, on utilise de l’eau potable pour nous laver ou pire, dans nos toilettes. Sauf chez nous puisque nous avons installé des toilettes sèches dans notre camping-car. Un concept bien étrange pour les habitants des nombreux pays où la ressource est aussi précieuse que de l’or. Critère qui dit en passant, est sujet à l’intensification avec le réchauffement climatique. Les 10% les plus riches sont responsables de 90% des émissions de gaz à effet de serre. On aura vite fait de dire « c’est pas de ma faute, c’est celle des riches ». Mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. Nous devons tous faire des efforts afin de faire évoluer les mentalités.
Suis-je égoïste de continuer à voyager en sachant pertinemment que cela n’est pas le mode de vie idéal pour limiter drastiquement mon impact sur la planète ? Oui et non. Nous ne sommes plus très loin de la cible des 2t de CO2/an. Il faudra que nous trouvions un véhicule qui consomme moins et nous permette tout de même d’être épanoui. Parce que le bonheur au quotidien reste notre priorité. Nous n’avons clairement pas une âme de sédentaire. Nous n’aspirons pas à l’emprunt immobilier, au CDI et à ce schéma de vie. Notre nomadisme nous anime. C’est lui qui nous permet de garder espoir en l’avenir et de mettre en oeuvre des gestes au quotidien pour réduire notre impact.
Le Voyage est-il en danger ?
À l’époque de la rédaction de cet article, j’ai écrit :
Je pense que l’on peut aujourd’hui affirmer que sur le long terme, le voyage est en danger. Il n’y a probablement rien à craindre pour les 10 ou 15 années à venir. Mais sur une échelle de temps plus grande, il me paraît difficilement envisageable de pouvoir continuer à vivre ainsi. Ne serait-ce pas mineur comparé à tout ce qui nous attend par la suite ?
Les prévisions climatiques sont catastrophiques et effrayantes. Les scientifiques sonnent l’alarme depuis déjà plusieurs décennies. Mais notre égoïsme commun prend le pas sur le désir de changement. Les effets se font déjà ressentir et en suivant cette trajectoire ils pourraient commencer à poser de gros problèmes dès 2050. Si les modèles sont avérés, les conséquences seront bien au-delà de ce que la majorité des gens imagine. Des pays entiers risquent de devenir inhabitables, entraînant des flux migratoires astronomiques. Sauf que les pays riches sont déjà saturés, les gens y sont entassés les uns sur les autres dans les grandes villes. Un avenir sombre en somme, sur lequel je préfère lâchement détourner le regard.
Aujourd’hui, la pandémie s’est invitée à la fête. Elle a beaucoup fait réfléchir. De notre côté, elle nous a permis de redécouvrir la France. Quand les frontières ont réouvert, nous n’avons pas sauté dans le premier avion comme beaucoup l’on fait. Difficile de leur jeter la pierre, mais ça témoigne plutôt de notre prise de conscience. On ne prendra plus l’avion pour faire du tourisme. C’est l’un de nos engagements.
Le ralentissement et presque arrêt du trafic aérien nous a montré plusieurs choses. La première, c’est que les compagnies aériennes et les géants qui financent l’industrie aéronautique sont prêts à tout pour quelques dollars. Ils ont fait (et continuent de faire) voler des avions à vide juste pour conserver leurs créneaux de vols pour l’année suivante. La seconde chose, c’est que cela a permis à beaucoup de voyager moins loin, sans forcément prendre moins de plaisir. Et la France n’aura jamais autant été au centre de l’attention des Français pour leurs vacances. C’est une bonne chose puisque le tourisme durable est au coeur des enjeux pour la lutte contre les changements climatiques.
Alors pourquoi continuer le voyage ?
Si comme nous, la vie de sédentaire n’est pas faite pour vous, il va falloir réfléchir. Trouver des moyens de poursuivre ce mode de vie nomade en limitant au mieux les rejets de CO2.
Je pense très sincèrement que la vie est trop courte pour, arrivé en bout de course, regarder en arrière et avoir des regrets. Notre retour en France à cause du coronavirus nous a vraiment permis de comprendre que nous ne sommes pas fait pour un mode de vie sédentaire. En revanche, nous voulons tout mettre en oeuvre pour limiter notre impact.
Dans notre bilan de voyage en Nouvelle-Zélande, nous avons démystifié cette destination considérée comme « pays écologique ». En nous impliquant dans l’écologie locale de nos destinations, nous avons bon espoir de pouvoir faire pencher la balance. Si cela n’est tout de même pas irréprochable, j’aime à croire que personne ne l’est vraiment. Être heureux, de notre point de vue, prime sur tout le reste. Cela peut sembler égoïste, mais la vie passe tellement vite qu’il est essentiel de trouver son équilibre.
De votre côté, est-ce que vous tenez compte de votre bilan carbone en voyage ? Quelle est votre vision du voyage éco-responsable ? Appliquez-vous les gestes écologiques du quotidien ?
Je vous laisse me donner votre avis en commentaire ou nous écrire directement sur nos réseaux sociaux.
Ben & Ania sont deux aventuriers amoureux de la nature et passionnés par ce vaste monde qui nous entoure. Quand ils ne sont pas sur les sentiers de randonnées, par monts et par vaux, ils créent du contenu pour les entreprises qui font appel à leurs talents. En travaillant à distance, ils peuvent se permettre de voyager en continu. Pour ça, ils ont choisi Jolly-Jumper, un camping-car Hymer B534 de 1990. Découvrez leurs univers faits de sommets enneigés, de treks loin de la 4G et de feux de camps bien arrosés. Pour ne rien louper, suivez leurs aventures sur ce blog ou via leurs réseaux sociaux !
[…] Source : Voyage, quel impact sur l’environnement ? – Globefreelancers […]
Bonjour, votre article est très intéressant et cette conscientisation et remise en question est admirable. J’aimerais m’inspirer de votre travail pour mon oral du bac, et pour cela je me demandais si vous pouviez m’éclairer sur les raisons qui vous font voyages, ces raisons qui vous fait dire que le voyage est un besoin, un essentiel à la vie, malgré l’impact sur l’environnement. J’ai moi même du mal à répondre à la question même si je ressens aussi cette nécessité à voyager (en faisant attention à l’environnement au maximum évidemment, mais cela n’est pas vraiment la question). Votre réponse m’intéresse vraiment, merci d’avoir prêté attention à mon message!
Bonne journée à vous.
Bonjour Lise,
C’est la recherches d’espaces naturels peu impactés par l’Homme qui nous pousse à nous déplacer autant. Un perpétuel besoin de changement, une quête de faune et de flore différentes à observer en permanence, une immersion dans la nature sauvage. Tous ces facteurs sont indispensables à notre bonheur au quotidien. Nous n’avons pas encore trouvé d’explication rationnelle sur notre difficulté à nous sédentariser.
Nous avons considérablement travaillé pour réduire notre emprunte carbone, qui malgré notre nomadisme est plus de 2 fois inférieure à la moyenne française désormais. Même en étant sédentaires, il est très difficile d’atteindre la valeur cible de 2t de CO2 / personnes / an avec les dispositions actuelles. Un travail énorme doit être fait en amont par l’État et les entreprises afin de réduire au maximum l’impact de tout ce que nous ne maîtrisons pas en tant que citoyens/consommateurs.
J’espère que cette ébauche de réponse pourra vous aider, bon courage pour votre oral de bac.
[…] grande que le touriste qui voyage seul en avion vers une station balnéaire hors sol en Crète. Mais ce n’est pas une empreinte carbone positive ou neutre… Des outils existent pour calculer son empreinte carbone avant de partir [ici, un […]
Très bel article bien documenté qui résume tellement ma façon de penser ! Je suis justement en train de préparer un article de mon côté sur les façons de concilier voyage et engagement écologique. Ayant un blog de voyage, je me suis rendu compte qu’il était de ma responsabilité de parler de cet aspect là pour sensibiliser mes lecteurs et ainsi être plus alignée avec mes valeurs. Merci pour tous ces arguments, je ne manquerais pas de citer votre article dans le mien !
Bonjour Émilie,
Merci pour ton retour. C’est chouette de voir que d’autres voyageurs / blogueurs partagent ce ressenti 🙂
Hâte de découvrir ton article !
À bientôt
Ben & Ania
Bonjour Ben et Ania,
L’article sur lequel je travaillais est en ligne si vous souhaitez y jeter un coup d’œil : https://www.avencurieux.com/comment-allier-voyage-et-engagement-ecologique/
[…] nous, bien que nous ayons pris un avion qui a traversé la planète, notre bilan carbone de voyageurs (article qui devrait vous intéresser à ce propos si vous avez lu jusqu’ici) est important. […]
[…] d’aborder le voyage différemment et de prendre conscience de nos actions. L’article sur le bilan carbone du voyageur, prend ici tout son sens.Si vous avez l’intention d’effectuer un vol en hélicoptère, […]
[…] en Australie, le backpacker à la conscience écologique peut vraiment se poser des questions.Si l’impact du voyage sur l’environnement est un sujet qui vous intéresse, ce n’est néanmoins pas peine perdue. En Australie, de nombreux […]
[…] à valoriser l’impact de votre voyage. N’hésitez pas à consulter ma réflexion sur le bilan carbone du voyageur à ce […]
[…] Les possibilités d’excursions sont nombreuses. Notre éthique personnelle nous interdit d’utiliser l’avion pour des survols de loisir. C’est une question de choix et je vous encourage à réfléchir à l’impact d’un vol au-dessus de la Grande Barrière de Corail avant de vous lancer. Ces écosystèmes très fragiles sont en perdition. Les coraux meurent à une vitesse incroyablement élevée et la biodiversité des récifs chute. La Grande Barrière de Corail d’Australie n’est plus que l’ombre d’elle-même. Si nous souhaitons la protéger, il convient de minimiser nos activités polluantes. Les vols représentent une très grosse proportion dans le bilan carbone du voyageur. […]
[…] dit, l’avion et le tourisme sont des grosses sources de CO2. Dans un souci de réduction de notre bilan carbone de voyageurs, nous avons donc décidé que l’avion qui nous ferait quitter la Nouvelle-Zélande vers le […]
[…] l’impact du voyage sur l’environnement est un sujet qui vous intéresse, ce n’est néanmoins pas peine perdue. En Australie, de nombreux […]